Les dérives d'une génération Partage : puis-je vraiment tout partager ?

 dans la catégorie Business


Début de semaine, arrivée 9 heures au travail la mine visiblement fatiguée.

Il faut dire que j’ai « covoituré » toute la nuit avec une bande de joyeux inconnus de Berlin à Paris. En effet je me suis octroyée un week-end berlinois, mais attention, dans une version « petit portefeuille » : deux nuitées gratuites chez un particulier en échange de mon appartement parisien.

Je débute la matinée en douceur. J’ouvre tour à tour mes comptes Facebook, Twitter, Netvibes, je regarde les nouvelles informations tombées sur mon réseau, m’amuse des commentaires laissés sur mes photos du week-end diffusées via Instagram, poste quelques liens sur mon Twitter et télécharge le tutoriel des Demoizelles sur la confection rapide du chignon à nœud, coiffure qui ira parfaitement avec ma nouvelle/vieille blouse Paul and Joe troquée contre une petite veste vieille de trois saisons que je ne mettais plus.

Qui suis-je, hormis une fille qui devrait vraisemblablement se mettre à travailler ? Le symbole incarné de toute une génération… la génération Partage.


Cette tendance est loin d’être nouvelle, j’en conviens. Elle a même débuté depuis plus d’une décennie. Ne parlions-nous pas d’un web 1.0 basé sur le partage de données, puis d’un web 2.0 articulé autour du partage de contenu personnel ? Par ailleurs, il y a bien longtemps que ladite tendance n’est plus seulement affaire de monde numérique. Échange d’appartements, troc de vêtements… entre particuliers on échange jusqu’à nos biens et la tendance Partage offre aujourd’hui une alternative à la consommation traditionnelle.


Mais comme toute tendance lourde, si elle offre pléthore d’initiatives et d’opportunités, il arrive qu’en découlent aussi certaines dérives.


Entre évolutions sociales et concepts opportunistes, je suis amenée à me demander : puis-je vraiment tout partager et ce, pour n’importe quelles raisons ?


I – Au niveau des biens : partager mes toilettes

Le projet CLOO se donne pour objectif  de créer un réseau communautaire pour tous ceux qui veulent partager… leurs toilettes.


Se basant sur l’insight (transcendant) que nous sommes tous amenés à vouloir faire nos besoins même quand nous sommes en extérieur, mais que nous n’avons pas forcément envie de payer une consommation ni de se confronter aux surprises des toilettes publiques, CLOO propose, via une application mobile dédiée, de localiser les appartements proches des membres de notre communauté pour aller emprunter leurs WC.

Le concept est fantaisiste mais pour ce qui est de sa pertinence… je reste perplexe.

D’ailleurs un des paramètres me gène particulièrement : chaque membre de la communauté peut fixer le prix qu’il souhaite pour la location temporaire de ses toilettes. Pourtant le point clé de la tendance Partage n’est-il pas la gratuité, ou plus précisément l’échange « de bons procédés » au détriment de l’aspect financier ?

Au-delà de ça, l’application offre une belle opportunité pour les cambrioleurs de faire des repérages.

Quoi qu’il en coûte, fière testeuse de concepts émergents, j’ai décidé de faire partie du projet. Alors voici une photo de mon  « pipi-room » cosy. Avis aux amateurs.

N.B : le papier est offert par la maison.

II – Au niveau des informations : partager mes « mauvais spots »

Si nous aimons partager nos passions, nos envies et nos bons plans, qu’en est -il des « mauvais plans » (encore que ce titre soit un doux euphémisme) ?

En Égypte, le blog HARASSmap se  présente sous forme de plateforme où les internautes et membres de l’association  référencent tous les sévices sexuels dont les égyptiennes ont été victimes, sur une carte  mapping.

Il est possible de télécharger l’application « alerte » pour connaitre les témoignages les plus récents, et ainsi éviter les quartiers à risque.

Un partage de connaissance et une solidarité basés sur l’insécurité des habitantes : plutôt insolite que cela soit géré en partie par des citoyens.

Pourtant l’application ne manque pas de sens. En effet, selon le rapport de l’étude « ville à vivre 2010 » de TNS Sofres pour Veolia environnement, 1 urbain sur 4 définit l’insécurité comme le problème principal dans sa ville.

Et si les autorités ne peuvent pas tout prendre en charge, les internautes mettent en place des systèmes d’entraide virtuels.

III – Au niveau de l’humain : partager les mecs



Pour le coup, pas de neo-concept ni d’application rocambolesque, mais plutôt l’observation d’une tendance naissante au pays du soleil levant.

Je vais avant tout vous dresser le portrait de Nozomi*, 26 ans, intérimaire à Osaka, 6 mecs réguliers dont deux en couple et un qui n’est autre que son ex.

Sa particularité ? Comme un ensemble d’autres nippones, elle aspire à être la « second jyoshi » d’un homme soit la « fille n°2 ». Ce que ça change ? Autant de sexe et de bons moments mais sans les côtés ennuyeux de la relation qu’elle laisse bien volontiers à la copine attitrée.

Attention la dénomination n’a rien de péjoratif pour cet ensemble de femmes qui ne s’assimilent pas à des maîtresses tapies dans l’ombre. Pour elles il n’y a rien de dégradant à vouloir jouir pleinement de leur sexualité sans avoir à tenir compte des besoins et désirs du partenaire.

Second argument en faveur de l’homme casé : si un garçon a une petite amie, cela signifie qu’il a été au moins choisi par une personne. Les nippones associent bien volontiers cet état de fait à un produit qui aurait obtenu au moins un avis favorable sur un blog. De fait, ça les rassure, l’objectif final étant tout de même de trouver leur « favori ».

Se partager entres plusieurs hommes que l’on partage par ailleurs avec d’autres filles… est-ce l’avenir assumé de nos « amourettes » ?

Pas tant puisque ce comportement semble être davantage le contre-coup d’une des particularités de la génération Partage impulsée par le Web : la surabondance d’informations et de choix.

« Familières des blogs et de Mixi [le permier réseaux social japonais] et habituées à se mettre en scène, les 20-30 ans d’aujourd’hui sont très orgeuilleuses. Elles ont été confrontées dès leur plus jeune âge à un trop grand nombre d’informations et de choix, aussi éprouvent-elles des difficultés à arrêter leur choix sur un seul homme ».


Yasuko Nakamura, PDG de boom planning, société Marketing spécialisé dans le ciblage de jeunes femmes.

La génération Partage et ses dérives

Le partage ne peut finalement être cantonné qu’à une forme de solidarité à l’instar de HARASSmap ou un ensemble de solutions « système D » comme Troc de filles. C’est aussi la résultante d’une génération qui a grandit dans la surabondance d’informations et de produits. Alors toujours à l’affut de nouveautés, elle est amenée à très vite se lasser, donc à changer, donc à échanger.

Cela peut avoir plusieurs répercutions comme l’attrait aux concepts sans réelle valeur ajoutée (CLOO) ou la difficulté à s’investir durablement, comme au Japon (et dans d’autres pays occidentaux j’imagine), sans avoir testé les « produits » . A bon entendeur bien sûr.

* : nom emprunté

Xavier Baillet

Entrepreneur et Directeur de la Création d'entreprises dans les secteurs du design, du marketing et du digital depuis 1999.

J'aime faire avancer les gens, les idées et la société. J'aime les entreprises utiles et les entrepreneurs passionnés.

J'aime faire exister les idées et les projets qui ont un sens pour les gens.

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