Les "GIFs", l'avenir ou l'oubliette?
Dans la vie, dans la mode, comme dans l’amour, il existe deux types de tendance. Celles qui subsistent et ne cessent d’être remises au goût du jour, et celles qui après un franc succès et une utilisation à outrance, meurent ostensiblement.
Les tendances technologiques et graphiques, ne dérogent pas à la règle.
Ainsi certaines tendances, comme Goldeneye, ne meurent jamais. L’utilisation du « mega Pixel » en fait partie. Malgré toutes les évolutions en graphisme et web design, nous gardons toujours à cœur les vieux graphismes des jeux vidéos de notre enfance. Qui ne cache pas précieusement sous son lit ou dans son grenier sa vieille Gameboy ? Qui pourrait prétendre aujourd’hui ne plus jouer à Tetris ?
Mais plus loin que les nostalgiques, les graphismes des jeux « mega pixelisés » sont une source d’inspiration pour les artistes et les designers. Ils font même l’objet d’expositions dans les musées telle que celle des Arts et Métiers à Paris en juin dernier. En effet, l’exposition « muséogame » retraçant la vie des jeux vidéos, a réuni quelques 50 000 visiteurs en 9 mois, selon le Mag Online M05.com.
De son coté, le géant Microsoft n’a pas hésité à mettre en ligne en avril dernier le plus grand Pac-Man collaboratif au monde, afin de démontrer les capacités techniques de son tout dernier internet explorer 9 (en partenariat avec Soap créative et Namco Bandai). Comme quoi, prouver l’innovation technologique avec des graphismes vieux comme le monde (virtuel), ça fonctionne !
La tendance du« mega Pixel », en jeu comme en graphisme, a encore de belles heures (et surtout de belles œuvres) devant elle.
A l’inverse, certaines tendances graphiques web, après avoir été utilisées à outrance, tombent dans l’oubli sinon la ringardise la plus totale. Je pense ici aux effets de style du type « Wordart » qui ont surplombé les titres et les barres de navigation des sites web des années 90.
Dans cette histoire une question me taraude. Peut-on recycler tous nos vieux outils technologiques pour en extraire une campagne publicitaire innovante, ou certaines tendances sont-elles « irrécupérables » ?
Allant dans ce sens, le « GIFs », ce petit gadget technologique des années 90, a t-il encore un avenir ?
« GIFs » what is it ?
Avant tout chose, il convient de déterminer ce qu’est le « GIFs ».
Le « GIFs » tient son nom de G.I.F (Graphics Interchange Format), son format de base, inventé en 1987 par Compuserve. Dès sa création, le format GIF rencontre un franc succès car il permet de compresser fortement une image couleur tout en gardant une qualité relativement honnête. Par ailleurs, il apparait comme l’outil idéal pour créer des logos et boutons web puisqu’il permet d’enregistrer les images sur fond transparent, à l’instar de Photoshop. Un système qui s’avère extrêmement pratique pour poser une image sur un fond coloré.
En 1989, le format GIF est étendu pour permettre le stockage de plusieurs images dans un même fichier. Ceci permet alors de créer des diaporamas, voire des animations, si les images s’enchainent suffisamment rapidement. De là naissent les « GIF animés » communément appelés les « GIFs ».
Dès le début des années 90, les « GIFs » rencontrent un franc succès car :
Ils proposent une nouvelle forme d’esthétisme : les sites web se mettent « à bouger ». Le web 1.0 devient alors dynamique et interactif. Une vraie révolution pour les espaces virtuels.
Chaque internaute peut créer sa propre animation : grâce aux logiciels d’animations de l’époque.
La carte d’identité du « GIFs »
Un « GIFs » peut tout autant être constitué d’une illustration, que d’une photo ou encore d’une scène vidéo. Cependant tout « GIFs » garde certains traits caractéristiques.
1 – Il doit garder un coté fraichement « homemade » : de part sa basse définition et son rythme saccadé.
4 – Il doit mettre en scène des animaux (tendance Lolcat) : en fait ce n’est pas obligatoire, mais vivement recommandé pour assurer son succès sur la toile.
Un gadget remis au goût du jour…
Comme le stipule l’excellent article de fluctua.net, les « GIFs » auraient presque disparu de la toile au tournant du millénaire ; ceci pour des raisons financières : l’entreprise qui détenait son algorithme aurait décidé de faire payer tout logiciel de création de « GIFs ».
Mais aussi pour des raisons techniques : avec l’avancée technologique, naissent de nouveaux logiciels tels que Flash (1996), permettant de créer des animations plus élaborées, plus fluides… plus « classes » en somme.
Cependant les geeks, incorrigibles nostalgiques, auraient remis la petite animation en 256 couleurs au goût du jour. Une initiative qui replace le « GIFs » sur les devants de la scène virtuelle à partir de 2003 / 2004 mais en arborant de nouvelles formes.
Les émoticônes : une excellente opportunité pour les internautes nouvelle génération de « faire vivre » leurs émotions en ligne. MSN Messenger, Myspace, Skyblog… tous les supports en sont envahis.
Les « GIFs » vidéos :
Remix de courtes vidéos, ces « GIFs » reprennent le principe de la vidéo DIY (Do It Yourself) marrante, permettant à l’internaute de proposer un contenu distrayant à sa communauté.
Il peut aussi prendre la forme de remix cinématographiques.
Paradoxalement, si les « GIFs » reviennent en force dans les communautés virtuelles, ils sont prohibés par tout web designer qui se doit.
Pour exemple, le site Web navets référence le top 30 des sites les plus « kitchs ». Un jugement non fondé et totalement subjectif. Il n’en reste pas moins vrai que sur les 30 sites présentés, 19 mettent en ligne des « GIFs » en tout genre (une dizaine sur la homepage).
… Mais un gadget de mauvais goût
S’inspirer des « vieilles méthodes » pour trouver de nouveaux leviers d’inspiration
Si je suis mon propre raisonnement, utiliser les « GIFs » correspondrait à assumer mon coté « has-been » dans un monde où les marques me proposent d’interagir avec elles qu’à travers des sites en réalité augmentée, des jeux de social gaming aux graphismes développés ou même des applications géolocalisées. La crème de la technologie en somme.
Il y a un mois pourtant, la marque de Bonbon Polo à décidé d’investir le marché français en concentrant sa communication autour de son site évènementiel troustories. De courtes vidéos « gags » mettent en scène la particularité du bonbon, son trou central.
Site évènementiel de Polo, avril 2011
Pour accentuer la particularité du produit, le site est lui-même développé sous un format pour le moins original puisqu’il est intégralement réalisé en « GIF ».
Ainsi dans le fond comme dans la forme tous les codes des « GIFs » sont respectés et assumés:
– Vidéos loufoques
– Running gag
– Coté « Homemade »
Allant plus loin dans la démarche, le groupe MTV Networks international assure la promotion de son réseau de télécommunication européen enpersonnalisant le « GIFs » lui-même.
La campagne « GIF ME MORE » dont vous pouvez voir quelques images ci-dessous, se décline en trois volets. Dans chaque cas un jeune, en position de difficulté sociale, est touché par la grâce du « GIF GOD ». Il se transforme alors en « GIF » animé et devient cool… « ridicool ».
Le choix du format testimonial, proche de l’interview, permet d’ancrer la publicité dans le réel ce qui donne à l’insertion du « GIF » une dimension encore plus loufoque.
Tous les codes sont ainsi respectés à la lettre : bling-bling, fluo, glitter, rainbow, saccadé…délicieusement années 90′.
Selon le team créatif de l’agence Buzzman « Pour utiliser ce territoire, il fallait en respecter les codes originaux, en privilégiant la 2D afin de provoquer l’adhésion par la cible. »
Campagne « GIF Me More » MTV Nteworks, mai 2011
Oui, en faisant du « GIFs » son ambassadeur d’image, c’est toute une génération de digital natives qu’ MTV s’approprie.
Le « GIFs » et autres vieilles méthodes… question de culture
Pourquoi la reprise des codes du GIFs fonctionne alors que l’outil est clairement obsolète ? Tout est une une question de culture générationnelle. Comme Pacman ou Tetris, c’est toute une génération qui se reconnait à travers l’utilisation du « GIFs », ce qui en fait un outil particulièrement fédérateur.
Ainsi une grande campagne n’est pas forcément une campagne qui use et abuse des technologies web derniers cris. Dans un contexte où toutes les marques se précipitent dans une course à la performance technologique ou produit, rentrer en connivence avec son consommateur devient un acte différenciant.
Tout n’est pas d’innover. Capter sa cible en faisant un clin d’œil à ses codes culturels est une petite attention qui peut engendrer un grand succès.
Xavier Baillet
J'aime faire avancer les gens, les idées et la société. J'aime les entreprises utiles et les entrepreneurs passionnés.
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