Les seniors ? 5 bonnes raisons de revoir sa copie
Dans la publicité, comme dans beaucoup d’autres métiers, nous aimons nous adonner à l’exercice du néologisme. Un jeu qui, à l’excès, peut vite donner des phrases pour le moins indigestes : « le consom’acteur ? Oh c’ est un smart shopper un peu adulescent qui tente de s’en sortir dans une société anxiogène ».
Mais s’il y en a un, connu de tous, que l’on aime particulière utiliser, c’est… (roulements de tambour) LE SENIOR, socio-style qui caractérise les plus de 50 ans.
Cela dit, plus souvent citée que maitrisée, la segmentation « senior » présente bien des difficultés, et ceci pour plusieurs raisons :
1 – Trois générations dans le même socio-style :
– Les Baby-Boomers (50 à 65 ans) : issus des 30 Glorieuses, ils disposent d’un fort pouvoir d’achat et sont prédisposés à consommer.
– Les 65 à 75 ans : nés pendant la Seconde Guerre, ils sont impliqués politiquement et socialement. Ayant vécus l’avènement des marques, ils profitent de leur temps libre en consommant (beaucoup).
– Les plus de 75 ans : ayant davantage vécus dans la privation, ils sont plus fourmis que cigales.
2 – Ils n’aiment pas se faire appeler « senior » :
« Ce terme est stigmatisant et réfuté en masse par la cible elle-même » analyse Sophie Schmitt, directrice associée de l’agence marketing SénioSphère.
3 – Les marques peinent à les sensibiliser :
Ils ont beau dépenser 36% fois plus que la moyenne nationale, les marques peinent souvent à trouver LE discours adéquat et impactant.
« Le marché bien qu’immense est peu structuré, et les marques avancent souvent masquées. Elles préfèrent parler de confort, de prévention, de maturité, de qualité de vie ou de bien-être. »
Frédéric Serrière, Senior Stratégic
Ces faits sont autant de raisons de nous dire qu’il est temps de faire le point sur le « senior » d’aujourd’hui et, peut-être même, d’en profiter pour revoir certains de nos clichés.
I – Grande consommation : les plus de 50 ans ont besoin de carburant
Vos anciens ne jurent que par le duo théine / vitamines quand vous, jeunes que vous êtes, carburez au café / Red Bull ?
Un vrai fossé générationnel.
Pourtant, il semblerait qu’Outre-Atlantique les plus de 50 ans soient friands des boissons énergisantes.
C’est d’ailleurs ce sur quoi capitalise la marque 5 hours Energy, exclusivement distribuée en Amérique du nord, en communiquant sur cette cible tandis que ses concurrents se concentrent sur les jeunes étudiants.
Leur insight :
Aujourd’hui les gens travaillent plus tard et le seuil de vieillesse recule. L’un dans l’autre, la grande majorité des plus de 50 ans travaille et/ou pratique encore une activité sportive régulière. Ainsi, les « seniors » ont besoin d’un boost pour « trouver l’énergie de gérer les responsabilités professionnelles et familiales » comme cela est stipulé en homepage du site.
Leur plus ?
Axer leur bénéfice produit sur le « No sugar » et « 4 Kalories », un levier nécessaire pour sensibiliser les plus de 50 ans, soucieux de leur corps.
En effet, en France, Actimel active les mêmes leviers :
« Le goût fraise-banane est dédié aux enfants et le 0% pour les aînés qui représentent 45% de nos clients », explique Jérémy Strohner, chef de groupe de Danacol et Actimel.
Utiliser des canaux de promotion et de distribution pour le moins surprenants :
Pour leur campagne d’échantillonnage, la marque a investi les manifestations de l’AARP (organisme qui représente les seniors aux US) et les cabinets médicaux afin que les médecins distribuent des échantillons à leurs patients.
Coté point de vente, exit l’habituel rayon « boisson et soda », les produits sont placés à côté des crèmes anti-âge.
Résultat : carton plein pour la marque qui séduit une double cible, celle des jeunes, déjà acquise, autant que celle des plus de 50 ans.
II – Média : les septuagénaires se rebellent
Bingo Banden s’impose comme le nouveau programme de caméra cachée scandinave incontournable, mettant en scène 7 acteurs d’en moyenne 75 printemps.
Au menu : sexe provocation et perversion… tout simplement.
Du batifolage dans les cabines d’essayage, au tag « FUCK THE» dans la rue, en passant par de la lecture pornographique dans les squares, le fameux gang du 3ème âge s’organise pour que la provocation ne laisse personne indifférent.
Effet comique garanti : car s’il est normal de réprimander et vouloir éduquer la jeunesse, on se rend vite compte que sermonner un senior s’avère particulièrement difficile.
L’émission trouve par ailleurs un petit relais de notoriété sur la toile avec certaines vidéos dépassant les 50 000 vues.
Sensible à la tendance, j’attends pour ma part que Lucienne, fière mascotte du Petit journal, se réunisse avec ses potes de Groland pour nous concocter une émission 100% animée par des septuagénaires.
III – Habitat : une volonté de vieillir en coloc’
Restons un peu dans les Terres scandinaves.
Les danois de plus de 50 ans sont de plus en plus nombreux à exprimer le souhait de vieillir en collocation.
Les facteurs de ce besoin sont multiples :
– La hausse des divorces engendre de plus en plus de personnes seules.
– Les évolutions sociales : beaucoup de danois, aujourd’hui âgés, ont déjà vécu en collocation pendant leur jeunesse.
– Avec une hausse de l’espérance de vie, les séniors sont plus en forme et exigent de la vie plus que ce que leur canapé peut leur offrir.
« Les gens qui s’apprêtent à quitter le monde du travail et n’ont plus d’enfants pour animer leur foyer se demandent souvent comment ils vont donner un sens à leur existence. Dans une collocation, on peut échapper à la malédiction de la solitude tout en préservant son intégrité, son portefeuille et sa vie privée .»
Margrethe Kähler juriste pour AEldre Sagen, association pour personnes du 3ème âge.
Mais plus qu’une évolution sociale, la coloc’ du 3ème âge représente un levier commercial. La société danoise Lejerbo compte une vingtaine de collocations pour seniors à travers le pays et toutes sont très sollicitées.
Au-delà du côté pratique, les personnes âgées recherchent davantage la dimension communautaire que l’engagement en collocation suscite. C’est ce qu’à bien compris la communauté Egebakken, installée au nord de Copenhague et composée de 29 maisons habitées par des personnes de 55 à 88 ans.
Au menu pléthore d’activités communautaires : soirées cinéma, ping-pong, dégustations de vin and co.
« On peut toujours trouver quelqu’un qui a les mêmes intérêts. Et c’est rassurant. » analyse Knud Ebbesen, 66 ans, membre de la communauté Egebakken.
IV – Art : « Mamika », une muse qui nous amuse
Vous avez déjà dû voir cette série de clichés, fruits de la collaboration entre le photographe et publicitaire Sacha Goldbergen et sa « Mamika » (grand-mère) de 90 printemps.
En effet, pour sortir sa grand-mère de la solitude et de la dépression dans laquelle elle s’enferme, son petit-fils entreprend de faire une série de portraits d’elle. Réticente au départ, la fabuleuse « Mamika », fraîchement déjantée, se prend vite au jeu.
La démarche artistique est considérée comme une réussite, tant du point de vue technique que pour le message dont elle se fait l’écho.
En Juin 2011, voilà que le photographe revient avec une nouvelle série de clichés , « Ménage à trois », à travers lesquels « Mamika » se met en scène avec son, non moins déjanté, nouvel amant « super Papouka » et son légitime « super Papika ».
Une métaphore des supers héros pleine de sens.
Si nos supers héros habituels, à l’instar de Superman, se donnent pour mission d’améliorer le quotidien en luttant contre le crime et l’injustice, les supers héros nonagénaires tentent plutôt d’embellir leur quotidien en luttant contre l’ennui et la banalité.
A chacun sa mission… mais quoi de plus normal que d’essayer de se sauver soi avant de prétendre pouvoir sauver le monde ?
N.B : Si vous avez envie de découvrir cette série de clichés grandeur-nature, rendez-vous à la galerie Bailly contemporain à Paris à partir du 16 septembre.
V – Web : « seniors » et réseaux sociaux sont-ils vraiment incompatibles ?
En décembre 2010, on comptait 6,5% des plus de 65 ans inscrits sur Facebook, soit environ 700 000 personnes selon l’observatoire des usages Internet de Médiamétrie.
Si ce chiffre a doublé en un an, il ne reste pas moins de 93% de personnes âgées qui pourraient potentiellement utiliser les réseaux sociaux pour rompre avec l’isolement et rester en contact régulier avec leur famille. Mais Facebook est-elle la plateforme idéale pour ce faire ?
C’est la problématique centrale du projet Mazadoo une future plateforme sociale et de services web 2.0 pour les personnes âgées en maison de retraite.
D’emblée dans le projet se pose le problème du support et de l’ergonomie : si les jeunes générations sont à l’aise avec la souris et le clavier, il semblerait que le club du troisième âge soit plus prompt à manier la « zapinette ».
Une des solutions plébiscitée ? Que chacun se serve du support qui lui est familier. Ainsi, l’entourage utilise le réseau Facebook pour mettre en ligne des messages, photos, vidéos ou autres, tandis que les personnes âgées y accèdent sur leur télévision grâce à une télécommande et par le biais d’une chaîne dédiée.
Ce projet, aussi utile que malin, mettra tout de même 2 ans et coûtera 2 millions d’euros pour être développé.
Alors comment je m’adresse aux seniors ?
De la boisson énergisante pour les plus de 50 ans aux photographies de la nonagénaire « Mamika », certains me diront que moi aussi, à l’instar des marques, je ratisse large quand il est question de parler senior.
Au fil des ces quelques exemples, plus anecdotiques que représentatifs, j’aimerais surtout mettre en exergue deux points qui me semblent primordiaux :
– Pour cibler un « senior » arrêtons un peu de se focaliser sur son âge !
En effet il semblerait que l’âge ne veuille plus dire grand chose.
« Il est important de ne pas segmenter par âge mais par d’autres clés d’entrée telles que la santé, les différentes phases de vie comme celles de l’entrée en retraite, le fait de devenir grands-parents ou le fait de vivre en ville ou à la campagne, etc. »
Sophie Schmitt, experte marketing cible senior
– La peur de la solitude et de l’isolement est la problématique centrale de ces différentes initiatives.
En voilà un levier marketing intéréssant!
Et si, plutôt que de se tirer les cheveux sur le contenu, la marque ne tentait pas de développer des supports pour rentrer en interaction avec sa cible ? Quoi de mieux pour réussir à cibler ses attentes ?
En décembre 2010, on comptait 6,5% des plus de 65 ans à être inscrit sur un compte Facebook, soit environ 700 000 personnes selon l’observatoire des usages internet de Médiamétrie.
Mais si ce chiffre a doublé en un an il ne reste pas moins de 93% des personnes âgées qui pourraient utiliser les réseaux sociaux pour rompre avec l’isolement et rester en contact régulier avec sa famille. Mais Facebook est-elle la plateforme idéale pour ce faire ?
C’est la problématique centrale du projet Mazadoo une future plateforme sociale et des services Web 2.0 pour les personnes âgées en maison de retraite.
D’emblée dans le projet se pose le problème du support et de l’ergonomie : si les jeunes générations sont à l’aise avec la souris et le clavier, il semblerait que le club du troisième âge soit plus prompt à manier la « zapinette ».
La solution plébiscitée ? Que chacun se serve du support qu’il lui est familier. Ainsi l’entourage utilise le réseau Facebook pour mettre en ligne des messages, photos vidéos ou autres, tandis que les personnes âgées y accèdent sur leur télévisions grâce à une télécommande et par le biais d’une chaîne pleinement dédiée.
Un projet aussi utile que malin, mais mettra 2 ans et coutera 2 millions d’euros pour être développé.
Olivier Baillet
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